Política y Derechos Humanos
Politique et droits de la personne
Politics and Human Rights
Tlahui-Politic No. 2, II/1996 




Analyse de la conjoncture de la situation des femmes
Carlos Gradín



Renseignements tirés du rapport 1995
du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)

Depuis vingt ans, l'espérance de vie de la femme s'est allongée de 9 ans, passant de 54 ans en 1970 à 63 en 1992. C'est 20% de plus que l'augmentation de l'espérance de vie des hommes. Le taux de fécondité a baissé du tiers. Les taux d'alphabétisation des femmes adultes et de la scolarité des fillettes ont augmenté notablement ( ils sont passés respectivement de 54% à 74% et de 67% à 86%) réduisant ainsi la différence face aux taux toujours plus élevés des hommes. Toutefois,

    1. Aucun pays ne traite les femmes aussi bien que les hommes. En fait, seulement quelques sociétés ont réalisé un progrès considérable face à l'égalité des sexes.

    2. L'égalité dans la condition des sexes ne dépend pas du niveau des revenus réels. La Chine qui a un revenu qui n'atteint qu'un cinquième de celui de l'Arabie Saoudite traite la femme d'une façon sensiblement supérieure. La Thaïlande surpasse l'Espagne même si elle n'a que la moitié de son revenu réel.

    3. Dans les dernières décennies, on a réalisé des progrès appréciables même s'il reste beaucoup à faire. Durant les vingt dernières années, aucun pays n'a reculé sur le chemin menant à une plus grande égalité pour atteindre de plus hauts niveaux de formation.

Malgré tout, d'importantes inégalités subsistent. Sur les 900 millions d'analphabètes dans le monde, les deux tiers sont des femmes. Dans certaines sociétés pauvres on constate que les petits garçons sont mieux alimentés que les petites filles. Ainsi en Amérique latine et aux Caraïbes, alors que le pourcentage des garçons dont le poids est inférieur à la moyenne est de 17%, celui des filles atteint 31%.

Opportunités économiques

Sur ce terrain les gains ont été beaucoup moindres. La pauvreté possède un visage féminin. 70% du 1 milliard 300 millions de pauvres dans le monde actuellement sont des femmes. Cela est vrai dans les sociétés plus agraires comme dans les sociétés plus industrialisées. Si aux États-Unis en 1960 les femmes constituaient 40% des pauvres, en 1980, elles atteignaient 62%. Dans ce pays, plus de la moitié des foyers ayant à leur tête une femme viennent grossir les poches de pauvreté.

La raison de tout cela, c'est l'accès moins facile de la femme au marché du travail et la discrimination qui l'oblige à travailler pour un salaire moindre. La participation des femmes à la population active était en 1990 seulement de 39,5% face à 58% pour ce qui est des hommes. De plus, on sait que lors d'une crise économique ce sont les femmes qui souffrent davantage du chômage.

Cette discrimination possède diverses facettes. Dans le secteur agricole où la femme a toujours joué un rôle fondamental, de nos jours, il y a plusieurs pays où il est difficile pour les femmes d'être propriétaires de la terre. Cet accès leur a été majoritairement fermé lors des réformes agraires au Salvador, au Honduras, au Mexique et au Nicaragua où elles n'ont obtenu qu'entre 4 et 25% des titres de propriété. Au Kenya, une femme ne peut accéder à la propriété de la terre que si elle a un époux ou des fils vivants.

Par voie de conséquence, les femmes sont systématiquement marginalisées du marché du crédit, étant donné qu'elles n'ont pas de revenus stables ni de titres de propriété. Par exemple, dans beaucoup de pays d'Afrique où les femmes représentent 60% de la main-d'oeuvre agricole et 80% du total de la production alimentaire, elles ne reçoivent même pas 10% des crédits accordés aux petits agriculteurs et tout juste 1% du crédit agricole total. Les femmes sont sur-représentées dans le secteur économique informel où les conditions de travail sont les pires. Par exemple à Lima, durant les années 80, les femmes économiquement actives travaillant dans ce secteur représentaient 80% de cette main-d'oeuvre.

Leur situation exceptionnellement précaire les rend beaucoup plus vulnérables que les hommes aux timides politiques d'ajustement structurel. C'est ce que démontre le cas mexicain où l'énorme perte du pouvoir d'achat des travailleurs durant la période d'ajustement entre 1984 et 1992 a affecté les femmes dans une plus grande mesure. Leur revenu est tombé de 71% à 66% de celui des hommes, lesquels à leur tour ont souffert une diminution considérable. Ce sont encore les femmes qui souffrent majoritairement des coupures de subventions d'aide alimentaire, etc. À Harare, capitale du Zimbabwe, le nombre des femmes qui sont mortes lors d'un accouchement a doublé en deux ans, depuis qu'on a instauré un programme de rationalisation qui a une incidence spéciale sur les dépenses de la santé.

Participation politique

Le monde politique n'est pas autre chose qu'un fidèle reflet et en même temps une cause de la situation d'exclusion dont souffrent les femmes. Même si elles forment plus de la moitié de la population, seulement un siège sur dix des parlements du monde est occupé par une femme. Mais leur participation dans les cabinets des gouvernements nationaux est encore moindre : 6%. Il n'y a que les pays comme la Norvège, la Suède et la Finlande qui atteignent des taux de participation supérieurs à 40% dans les cabinets ministériels. En 1995, la Suède a offert au monde le premier cabinet de l'histoire avec 50% de femmes. Il faut 30% de femmes dans un parlement avant qu'elles n'arrivent à exercer une influence réelle sur les processus politiques. Au niveau des parlements il n'y a que quatre pays, tous nordiques, qui dépassent ce taux : la Finlande et la Norvège (39%), la Suède (34%) et le Danemark (33%). À l'autre extrême, les pays arabes atteignent à peine 4%. Mais ce ne sont pas nécessairement les pays riches qui présentent la meilleure situation. Des pays en développement comme l'Afrique du Sud, Cuba, la Chine et la République populaire de Corée acceptent des participations qui dépassent 20%. Des pays relativement riches comme la Grèce, le Koweit, la Corée du Sud et Singapour en ont 5% ou moins. Heureusement la représentation de la femme dans l'administration locale a coutume d'être meilleure qu'au niveau national.

Mais le problème politique des femmes n'est pas seulement leur faible taux de participation mais le fait que se renforce constamment la persistance des inégalités dans le traitement qui leur est fait par les législations. Ce n'est pas un «accident» si 47 pays membres de l'ONU n'ont pas signé ou n'ont pas ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre la femme. 43 autres pays l'ont fait avec des réserves.

Voici quelques exemples de ces discriminations qui affectent fondamentalement les femmes :

    — des aspects liés à l'acquisition de la nationalité pour des étrangers mariés à une citoyenne nationale dans les pays d'Asie occidentale et d'Afrique du nord.

    — l'administration de biens, car la tutelle de l'époux au Chili et dans quelques autres pays du sud de l'Afrique existe toujours.

    — le droit des époux à restreindre le travail de la femme en Bolivie, au Guatemala et en Syrie.

    — le droit de voyager, étant donné que pour obtenir un passeport les femmes ont besoin du consentement de leur mari dans quelques pays arabes.

    — la violence que subit la femme, étant donné que dans une grande partie de l'Amérique latine la loi exonère le mari qui a assassiné sa femme si elle a été prise en flagrant adultère.

    — finalement la très rare protection de la femme face aux viols, aux mauvais traitements, etc.

Le but : arriver à l'égalité

Les principaux moyens proposés par le rapport du PNUD sont les suivants :

    — Mobiliser les efforts nationaux et internationaux pour atteindre l'égalité juridique dans les dix prochaines années. Créer une organisation non gouvernementale internationale (World Women's Watch) pour surveiller les progrès et les écueils sur ce chemin vers l'égalité dans chacun des pays comme cela existe pour les droits humains.

    — Revoir les accords économiques et institutionnels afin que la femme ait les mêmes possibilités de travail que l'homme et cela dans tous les domaines. Faciliter la participation de l'homme dans l'entretien de la maison, rendre flexibles les horaires de travail pour faciliter la compatibilité entre le travail à l'extérieur et le soin des enfants, comme cela commence à s'appliquer en Suède, en Allemagne et au Japon. Favoriser une fiscalité spéciale face au travail à temps partiel, changer la législation sur les héritages, le divorce et la propriété afin de faciliter l'accès de la femme à la propriété...

    — Établir, à l'échelle nationale, un nombre minimum (sans maximum) de 30% des postes de prise de décisions réservés aux femmes.

    — Promouvoir au moyen de programmes de base l'éducation féminine universelle, les meilleurs services de santé gynécologique et l'augmentation du crédit à la femme. Ce sont là les trois barrières fondamentales qui empêchent l'accès des femmes aux possibilités et aux bénéfices du développement. Il n'y a qu'une politique ferme qui puisse les éliminer.

    Cela est plus réalisable qu'il n'y paraît à première vue. Par exemple garantir l'inscription universelle des filles à l'école primaire et secondaire durant les quinze prochaines années exigerait un investissement entre 5 et 6 millions de dollars annuellement. Si l'on tient compte de la grande rentabilité sociale de cet investissement dans tous les milieux , aucun doute sur l'urgence d'un tel investissement.

    Favoriser l'accès de tous, mais en particulier des femmes, aux avantages économiques et politiques, suite aux accords ratifiés au Sommet de Copenhague sur le développement social, en consacrant 20% des budgets des pays en développement et le même pourcentage des budgets d'aide des pays développés afin de satisfaire les nécessités de base.

Le progrès vers la pleine égalité des sexes est à notre portée, mais il exige une forte volonté de dépasser les obstacles existants.


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