Política y Derechos Humanos
Politique et droits de la personne
Politics and Human Rights
Tlahui-Politic No. 1, I/1996 


LISTE PARTIELLE DE CAS DE VIOLENCE AU MEXIQUE. 1988-1994 

Mario Rojas Alba

Introduction

 Mario Rojas. Version Française du rapport préliminaire rendu au Comité international de la Ligue des droits et libertés. Montréal, Québec, Canada. 16 mai 1995. Il y a dans l'histoire du Mexique une longue tradition de violation des droits fondamentaux. En plus de la répression contre les opposants politiques et dirigeants sociaux, indépendamment des croyances politiques ou religieuses des victimes, il y a toujours la torture comme pratique courante commise par les différents corps de la police.

 Les prisons ne respectent pas les normes internationales en matière de protection des droits humains des prisonniers et sont remplies de détenus victimes de procès dans les quels les normes internationales et même les lois mexicaines ont été violées. Il faut aussi signaler les violations permanentes des droits fondamentaux des différents groupes ethniques, des femmes et des enfants.

 À partir du grand mouvement électoral de 1988, au pire, le panorama de la situation des droits humains au Mexique s'est modifié. En général la situation s'est détériorée parallèlement aux protestations populaires contre les fraudes électorales et proportionnellement à l'échec de la politique économique neolibéral, en grande partie planifiée par Washington.

 La victoire électorale de Bill Clinton avait fait naître l'espoir d'une possibilité de changement en faveur des droits de la personne et des droits du travail. Mais, la nouvelle administration a suscité bien des déceptions comme, par exemple, quand le gouvernement de la Californie a durci sa législation contre les immigrants, imité en cela par d'autres états et par le gouvernement fédéral. Autre exemple: la nouvelle administration a coupé de façon radicale dans les programmes sociaux laissant ainsi dans une situation difficile les immigrants et les minorités ethniques.

 Les postulats selon lesquels la privatisation à outrance de l'activité économique mexicaine devrait être la seule voie de progrès et la conviction que la modernisation appuyée sur l'investissements étrangers permettraient aux mexicains de meilleures conditions de compétitivité à l'intérieur du traité de libre-échange nord-américain, ont été les principes fondamentaux que le salinisme a imposé à la population et pour lesquels il a dû imposer des modifications radicales à la Constitution et à la normalité juridique nationale.

 Puisqu'un certain nombre des articles modifiés, comme l'article 27, avaient été le résultat de négociations fortes et tendues entre les groupes révolutionnaires de 1910, leurs modifications a facilité l'irruption de violence et a mené le pays au bord de la guerre civile généralisée.

 Les fraudes électorales lors des élections de 1994 ainsi que la naissance et la persistance de l'armée zapatiste de libération nationale (EZLN) mettent en relief les contradictions du mouvement populaire qui cherche la meilleure alternative pour un changement démocratique, l'alternative étant entre la voie armée et la voie électorale. Ces deux voies ont prouvé leur inefficacité, mais aucune des deux n'a été totalement épuisée. Le gouvernement du PRI s'est plutôt mal tiré de la sale guerre contre l'opposition populaire puisqu'il avait commencé par combattre celle-ci par tous les moyens pour enfin être dévoré par le monstre narco-politique qu'il avait engendré dans ses entrailles.

 La crise politique et économique a produit la dévaluation et a fini par consolider un climat d'incertitude, de violence et de méfiance très défavorable au respect des droits fondamentaux. La répression sous toutes ses formes, augmente de jour a jour, comme réponse désespérée et méthodique du parti d'État contre la population en général et en particulier contre les citoyens qui s'opposent à la politique du groupe au pouvoir.

 La liste de cas compilés n'est pas exhaustive et ne prétend pas présenter la totalité des cas de violation des droits humains constatés au Mexique. Il s'agit plutôt d'une approximation de la situation nationale en termes généraux. Cette liste a été obtenue à partir de la révision de nombreuses sources telles que documents, articles de journaux et témoignages. En tant que juge et partie, le gouvernement mexicain est coupable jusqu'à ce qu'il fasse la preuve du contraire. La compilation de cas a comme objectif de montrer à l'opinion publique la situation actuelle des droits humains et de présenter les éléments fondamentaux du profil de la répression pendant les six années de régime saliniste.

 Criminalité électorale

 Entre 1988 et 1994, on a énuméré 1,252 actes de violence en relation avec les processus électoraux et le militantisme politique. Il en est résulté 332 morts. Parmi les cas recensés, on peut remarquer une certaine synchronisation entre la quantité d'assassinats et les cas de violence; les deux ont augmenté entre 1990 (85 assassinats et 265 actes de violence), ont diminué en 1991 pour ensuite augmenter de façon soutenue entre 1992 (62 assassinats et 312 actes de violence) et 1993 (80 assassinats et 290 actes de violence).

 Durant la période 1988-1994, selon nos données, il y eut chaque année une moyenne de 47 personnes assassinées et 169 victimes de violence causée par les activités politiques et électorales.

 Violence contre les journalistes

 Pendant les six années de pouvoir de Salinas de Gortari, 32 journalistes ont été assassinés et si on ajoute les statistiques de six années précédentes, on arrive à 70 journalistes tués, c'est-à-dire 5.8 assassinats par chaque année durant les douze années qui viennent de s'écouler. Pendant la même période, 176 journalistes ont été victimes d'actes de violence: 56 ont été victimes de vol, de dommage à la propriété ou de jugement biaisés, 20 ont été séquestrés ou emprisonnés de manière arbitraire, 15 ont souffert d'éloignement de leur demeure et 7 ont été victimes d'accidents suspects.

 Violence en général

 On a compilé l'information correspondant à 2 260 cas de violations des droits humains perpétrés entre 1999 et 1994. Parmi ceux-ci, on retrouve 702 assassinats reliés à l'activité politique, la lutte sociale et les conflits reliés au trafic des narcotiques. Les cas rapportés ne constituent que la pointe de l'iceberg de la répression au Mexique.

 Conclusion

 Les pressions que le gouvernement des États-Unis (sous la direction de Reagan et Bush) a exercé pour que le gouvernement du Mexique développe le capitalisme sauvage et accélère le processus d'intégration économique et commercial avec le Nord ont généré de multiples foyers de tension politique et sociale. Pour résoudre ces contradictions, le PRI-gouvernement s'est engagé dans une véritable sale guerre contre les groupes et individus qui s'opposent à la politique du système. Et si l'on considère la quantité de sang versé, on peut identifier deux sources principales de conflit: la répression contre la lutte populaire pour la démocratie et le combat au trafic des drogues.

 Il est urgent de changer les relations entre le Mexique et les États-Unis d'Amérique en établissant un climat de respect mutuel, de non-ingérence dans les affaires internes et surtout de relations vraiment fraternelles dans la reconnaissance de nos différences. Le Canada, de son côte, devrait collaborer à une initiative de ce type.

 D'autre part, il est indispensable de protéger les luttes démocratiques, tant sur le plan électoral que sur le plan social jusqu'à la dissolution pacifique de la dictature du parti unique. La démocratie ne pourra se développer sans l'établissement d'un système de partis, en respectant la liberté d'association, dans l'alternance pacifique et démocratique du pouvoir et dans un régime vraiment républicain fonde sur l'expérience et l'idiosyncrasie du peuple mexicain.

 Le traité de libre-échange nord-américain ne prête aucune attention à la protection des droits humains, des droits au travail et de l'environnement. Dans les termes dans lesquels il a été approuvé, le traité aura un impact négatif dans les trois pays signataires. L'augmentation du chômage et les conflits causés par l'émigration et immigration ne seront que quelques-unes des constantes indésirables. Les accords parallèles pourront améliorer le contenu du traité, mais ils ne pourront en corriger l'impact négatif.

 Il ne pourra pas y avoir un vrai développement économique et commercial sans passer d'abord par la démocratie. Lles projets qui ne tiennent pas compte des droits politiques, sociaux, écologiques et humains ne pourront, ni dans la théorie ni dans la pratique, apporter le bien-être à la population.

 En ce qui a trait à la lutte contre le trafic des drogues, les données disponibles démontrent que la violence augmente au fur et à mesure que le trafic et la consommation augmentent. La réalité est accablante: la violence de l'État n'a pas résolu le problème. Au contraire, elle l'a exacerbé. On a répondu à la violence par la violence, engendrant un cercle vicieux sans fin.

 Le nombre de morts et de victimes d'actes de violence parmi les policiers, les narco-trafiquants et les citoyens innocents rend obligatoire une réflexion profonde et sereine. La solution aux problèmes liés au narco-trafic et à la consommation de drogue doit être cherchée scientifiquement et politiquement dans le respect et sans préjudice du caractère moral ou religieux.

 L'idéologie puritaine comme politique de l'État a divisé le monde entre bons et méchants. Le manichéisme de la société occidentale a transformé la lutte contre le trafic des drogues en une guerre sainte, en une véritable croisade, faisant des policiers les guerriers de la lumière et des narco-trafiquants les infidèles de la nuit. Dans ce combat colossal, le sang des innocents a coulé à flot. Le gouvernement des États-Unis a fait des pressions terribles sur celui du Mexique pour que celui-ci combatte le trafic des narcotiques. Dans son empressement pour avoir de bons rapports avec son voisin du Nord, Salinas a assassiné, torturé et emprisonné, légalement ou arbitrairement, des milliers de paysans qui, à cause de leur condition de misère, ont accepté les offres de travail attrayantes que les narco-trafiquants, qui approvisionnent un marché de consommation en pleine expansion, leur ont étét présentées. La communauté scientifique et la société entière devront prendre en main le problème pour trouver une solution qui soit autre chose qu'un combat violent.

 Recommandations

 1. Dans le but d'améliorer la situation des droits humains, la société mexicaine toute entière, et avec la solidarité internationale, devrait s'impliquer dans un effort formidable d'action et de prise de conscience pour assurer les tâches de promotion, de vigilance et de défense des droits fondamentaux. On devra renforcer et améliorer le travail des organismes non-gouvernementaux, des organisations syndicales, des artistes et des intellectuels en matière de droits humains.

 2. En tant que signataire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, le gouvernement mexicain doit être surveillé pour que les droits et libertés garantis par cette déclaration, soient respectés sur son territoire. En particulier, le gouvernement du Mexique devra rétablir la souveraineté et respecter la volonté du peuple en organisant des élections authentiques, avec respect du suffrage universel et secret; il devra aussi s'assurer que les organismes électoraux fonctionnent de manière autonome vis-à-vis le parti du gouvernement.

 3. Le gouvernement mexicain devra respecter le droit des travailleurs à fonder des syndicats et à s'associer de façon libre. Il ne pourra pas obliger les travailleurs à s'adhérer à un parti. La liberté d'association et de réunion devront être respectées en tout temps.

 4. Le gouvernement mexicain, en accord avec celui des États-Unis et du Canada, devra inclure dans le traité de libre-échange les clauses nécessaires à la protection des droits fondamentaux, du droit au travail, de même que des droits écologiques et culturels des citoyens. Le traité devra contenir une dose raisonnable de responsabilité sociale et de clauses mutuelles de protection.

 5. Le gouvernement mexicain devrait développer un modèle de production agricole intensive qui mette à profit l'abondance de main-d'oeuvre agricole, la grande variété de micro-climats et les technologies traditionnelles appropriées, en plus d'être en harmonie avec la culture autochtone. Pour réduire la violence dans les campagnes, il est urgent de retrouver l'esprit original de l'article 27 de la Constitution et de rétablir l'existence bien définie de deux types de propriété: la propriété privée et la propriété collective.

 6. Il est nécessaire de procéder à une réforme du pouvoir judiciaire, notamment veiller à une vrai autonomie face au pouvoir exécutif. L'exécutif fédéral et son parti devront abandonner leurs intérêts politiques dans la nomination et le contrôle des fonctions de magistrats, de juges et des agents du Ministère public. La police devrait délimiter clairement ses fonctions et sa juridiction. La police judiciaire fédérale et des états devront dépendre et être sous contrôle d'un ministère public respectif.

 7. Le gouvernement et la société devront assurer et promouvoir une nouvelle culture de respect des droits humains et de lutte contre l'impunité à tous les niveaux. Le gouvernement devra assumer la responsabilité de la réparation des dommages dans les cas de violence exercée par les membres du gouvernement et les fonctionnaires. De la même manière, il devrait instaurer un programme de réhabilitation des victimes et de protection des témoins.

 8. Pour combattre la circulation des drogues et le trafic des narcotiques, tant au niveau national qu'international, on suggère que le problème soit étudié d'une façon objective et sans préjugé de caractère religieux par la communauté scientifique et les sociétés impliquées dans le problème afin de trouver des solutions non-violentes de contrôle social. La législation en matière de commerce et de consommation pourrait apporter des pistes de solution de première importance.

 9. Le gouvernement mexicain devra reconnaître et respecter les procédures internationales pour la protection des droits humains. Il devra ratifier le protocole facultatif du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et, de la même façon, il devra reconnaître la compétence du comité de l'ONU contre la torture et celle de la Cour Interaméricaine des droits de l'Homme.


Code de violation
Sigles, glossaire, notes et sources
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