Política y Derechos Humanos
Politique et droits de la personne
Politics and Human Rights
Tlahui-Politic No. 1, I/1996 


VIOLATION DE LA LIBERTÉ DE PRESSE
ET VIOLENCE CONTRE DES JOURNALISTES AU MEXIQUE. 1988-1994
 

Mario Rojas Alba

Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.
ARTICLE 19
DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L'HOMME
 

Contradiction entre la Loi et la réalité quotidienne

 Résumé relatif à la période 1988-1994. Mise à jour de la version française du Premier rapport préliminaire sur des cas de violation de la liberté de presse et des droits humains contre des journalistes, Rapport du Comité québécois pour les droits humains au Mexique (CDHM-Q), 1988-1992.

 Durant le porfiriato les quelques rares journalistes et médias qui ont exercé la liberté de presse ont été persécutés et durement réprimés. L'Assemblée Constituante de 1917 est l'occasion d'une profonde mise en question de la situation qui régnait pendant le régime de Porfirio Díaz: la position progressiste et favorable à la liberté remporte la victoire au cours du débat constitutionnel, établissant dans une large mesure les libertés de presse, de réunion et d'opinion politique. De la même manière, la Constitution mexicaine établie très clairement les garanties, le droit et la liberté d'écrire, de publier et d'exprimer des opinions.

 Le Mexique est aussi l'un des premiers pays au monde ayant signé la Déclaration universelle des droits de l'Homme, adoptée par l'Organisation des Nations Unies, qui, aux articles XVIII, XIX et XX, établit le principe de liberté de pensée, d'opinion, d'expression et d'association.

 Mais la contradiction entre l'esprit de la Constitution et la réalité quotidienne est monnaie courante. Au Mexique la majorité des médias sont muselés para différentes méthodes très efficaces dont se sert le système de parti unique (PRI-Gouvernement). L'une des plus communes est le contrôle économique des médias, très semblable à celui pratiquée pendant l'ancien système porfiriste.

 En effet, à tous les niveaux du gouvernement il y a un responsable de presse, aussi bien au gouvernement fédéral: Présidence de la République, Secrétariats d'État, entreprises paraétatiques, entre autres, que dans les gouvernements des différents États mexicains et des plus importantes municipalités. Chaque représentant d'un gouvernement élabore une feuille de paie mensuelle pour les journalistes «attachés». D'autre part, certains journalistes touchent un paiement mensuel auprès de plus d'un fonctionnaire. De plus, les responsables de presse allouent un cachet supplémentaire à l'occasion d'activités spéciales jugées importantes à couvrir.

 Publicité, élections et pots-de-vin

 Des milliers de millions de pesos, extraits des fonds publics, sont utilisés par les fonctionnaires priistes pour faire mousser son image et celle du Parti Révolutionnaire Institutionnel auprès de l'opinion publique. Pour ne citer que quelques exemples dénoncés par des journalistes qui veulent rendre digne leur profession, il convient de mentionner certains faits:

 Francisco Ruiz Massieu, le même qui est mort assassiné en 1994, gouverneur de l'État de Guerrero avait dépensé 51 411 millions de pesos, qui ont été remis à 494 personnes. Cette somme, qui représentait 14% des revenus de cet État au cours de l'année 1989, a été remise sous la forme illégale de "montants personnels pour dépenses à vérifier". Une part importante était destinée à la presse et l'on a établi que six journalistes avaient reçu 239 millions de pesos.

 En 1987, le gouverneur de l'État de Morelos a payé 250 mille pesos par mois à chaque publication hebdomadaire et "appuyait individuellement" environ 70 journalistes enregistrés en leur remettant tous les 15 jours entrent 20 et 50 mille pesos. La situation actuelle avec le gouverneur Rivapalacio demeure la même.

 Il existe de nombreuses références sur les réunions de journalistes avec les chefs de presse du gouvernement pour leur demander une augmentation de l'«aide» ou «chayote» comme on dit dans le jargon journalistique mexicain.

 Par ailleurs, le gouvernement peut aussi acheter, de façon sélective, de la publicité dans les médias, accordant de meilleurs contrats publicitaires aux médias qui présentent des informations plus favorables au sujet du système politique. Àpreuve, la tentative de contrôle du journal «El Financiero» par des manoeuvres frisant l'illégalité et par des pressions politiques et économiques. En effet, suite à la publication de l'ouvrage intitulé «Salinas de Gortari, candidat de la crise», le gouvernement avait réduit la quantité de publicité officielle payée à cette maison d'édition.

 Les recettes des médias augmentent de façon extraordinaire pendant les périodes électorales, au cours desquelles le PRI-Gouvernement fonctionne, en tant qu'unité indivisible, utilisant les fonds publics pour promouvoir les candidats du parti d'État.

 Pour exercer son contrôle sur les rares médias qui essaient de faire leur travail de façon indépendante et honnête, le gouvernement dispose d'un moyen efficace de contrôle: il détient au moyen de l'entreprise PIPSA, ce qui lui permet de hausser le prix du papier et peut limiter l'approvisionnement à toute entreprise journalistique exerçant sa liberté de presse de façon a lui déplaire. Il convient de souligner qu'en dépit de tous les mécanismes de contrôle, un nombre réduit mais important de journalistes et de médias réalisent un travail objectif et honnête.

 Le gaspillage gouvernemental visant à imposer un contrôle sur les médias a toujours été dénoncé. En effet, selon une étude des coûts réalisés par l'hebdomadaire Proceso, pendant les voyages du président à l'étranger, toutes les dépenses de journalistes invités ont été défrayées par la Présidence: avion, transport terrestre, logement dans les meilleurs hôtels, meilleure nourriture, photocopies, casse-croûte et refraichissements dans la salle de presse, services de téléphone, de télécopieur et de telex 24 heures sur 24, lavage et repassage des vêtements et promenades les jours de congé. Lors d'un de ces voyages en Europe, l'avion de presse a transporté environ 40 journalistes et une trentaine de personnes de la "maison" au prix minimal de 10 millions de pesos par personne. Tous les voyages réalisés à l'étranger par la Présidence, au cours des derniers mandats présidentiels, aussi bien dans le mandat actuel que das les mandats antérieurs, ont coûté des sommes semblables. À ces voyages s'ajoutent aussi les dépenses des gouverneurs, des secrétaires et des autres fonctionnaires de niveau moyen qui voyagent également accompagnés d'une équipe de journalistes «attachés», bien que généralement en nombre inférieur.

 La protection officielle de l'impunité

 En plus de contrevenir à la liberté de presse par la corruption, le système mexicain a également recours à l'utilisation de la violence physique, des menaces et des assassinats contre des journalistes et des informateurs qui exercent leurs droits constitutionnels en matière de liberté de presse. L'Union des Journalistes Démocratiques, a remis une liste des journalistes assassinés à la Commission Nationale de Droits Humains. Cette dernière, dans son "Quatrième rapport semestriel" du 2 de mars de 1992, publie la conclusion de la première étape du programme sur les violations contre des journalistes. Le rapport traite de l'enquête portant sur 55 cas. Dans 39 de ces cas, l'enquête, selon la Commission, est terminée. Parmi les 16 cas dont l'enquête n'est pas terminée, aucune information sérieuse n'est donnée sur l'état des recherches.

 Au cours de 1992, la Commission nationale des droits d'humains, dont le statut est maintenant enchâssé dans la Constitution, avait reçu 8 918 plaintes relatives à des violations de droits de la personne. Alors la Commission avait émis 216 recommandations et mené des enquêtes relatives à 55 cas de violations de droits de la personne contre des journalistes (Voir la référence 40).

 La majorité des cas dont l'enquête, selon la CDNH, est soi-disant terminée, sont présentés comme des cas qui ne sont pas liés à des activités journalistiques. Tout ceci donne l'impression que la CNDH essaie de présenter, la majorité des cas de violations ou de meurtres de journalistes, comme de simples incidents accidentels ou conflits personnels ou encore comme le résultat de rixes sans liens évidents avec le journalisme ou la politique. Les résultats n'ont pas réussi à convaincre la majorité des journalistes et l'opinion publique mexicaine. La Commission a été critiquée face aux résultats aussi partiaux de l'enquête.

 En général, la CNDH essaie de cacher les instigateurs et les autres fonctionnaires du gouvernement pouvant être impliqués dans un grand nombre de cas d'assassinats de journalistes. Dans le domaine des droits humains, la nouvelle administration du président Ernesto Zedillo Ponce de León a fait quelque actions spectaculaires -comme son prédécesseur d'ailleurs- mais aucun résultat concret, l'impunité continue.

 Les statistiques sur la violence

 Le Comité québécois pour les droits humains au Mexique a réalisé une liste préliminaire à partir des données fournies à la CNDH par l'Union de journalistes démocratiques, à laquelle nous avons intégré les informations reçues de Reporters sans frontière, d'American Wacht, des nombreuses sources journalistiques ainsi que les récentes données fournies par d'autres groupes de journalistes mexicains. Ces informations ont permis de constituer un dossier sur les violations liées aux activités journalistiques au Mexique, la plupart dans la période 1988 à 1994. Des 178 (100%) cas de violations cités, 40 (24.7%) cas ont entraîné la mort du journaliste en question (voir graphique), 106 (59.5%) cas étaient relatifs à des attentats au moyen d'une arme à feu, à des coups, à des lésions et à de la torture. En additionnant ces deux groupes, on obtient 146 (82,0%) cas d'attentats divers entraînant la mort ou des lésions. Malgré ces chiffres, il y en a encore qui déclarent que la situation se serait améliorée avec l'actuelle administration.

 Le CPDHM-Québec est pleinement conscient que le nombre des violations dépasse ces chiffres. Nous espérons pouvoir donner plus de renseignements personnels sur chacun de ces cas et assurer un suivi en ce qui concerne les résultats de l'enquête officielle et quand cela sera possible réclammer une enquête impartiale.

 Il est très important de souligner, que derrière chaque nom, chaque chiffre statistique sur l'assassinat de journalistes y il y a un étre humain que des criminels ont voulu faire taire. Peu importe si le journaliste écrivait dans le plus important des médias comme Manuel Buendía, ou s'il a dirigé un modeste journal comme Ignacio Mendoza. Et quelle importance si le journaliste s'est fait tuer ailleurs son pays comme Ramón Silviano de la Mora!. Ce qui importe, c'est de faire la lumière et que justice soit rendue.


Code de violation
Sigles, glossaire, notes et sources
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